J'habite une douleur, Char

10/04/2019

Un poème en prose sur l'impuissance de la poésie et l'impossibilité d'atteindre la transcendance poétique, ou perfection recherchée par les poètes Vatès. La poésie est une lutte sans merci et infinie qui détruit l'auteur qui, parfois, s'approche un instant de la vérité poétique sans l'atteindre. C'est un refus de la poésie que le poète fait en s'adressant à lui-même qui prend conscience de la vanité de ses espoirs. 

Auteur: René Char

Recueil: Fureur et Mystère, "Poème Pulvérisé"

Date: 1947

Mouvement: Surréalisme

Echelle de Mallarmé: 4/5

Ne laisse pas le soin de gouverner ton cœur à ces tendresses parentes de l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie. L'œil est précoce à se plisser. La souffrance connaît peu de mots. Préfère te coucher sans fardeau: tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger. Tu rêveras que ta maison n'a plus de vitres. Tu es impatient de t'unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit. D'autres chanteront l'incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier. Tu condamneras la gratitude qui se répète. Plus tard, on t'identifiera à quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.

Pourtant.

Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit. Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été. Tu es furieux contre ton amour au centre d'une entente qui s'affole. Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter. A quand la récolte de l'abîme ? Mais tu as crevé les yeux du lion. Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires...

Qu'est-ce qui t'a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre ?

Il n'y a pas de siège pur.

« Ecrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. » 
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